Il arrive que la personne ne décolle pas. C’est assez rare, mais ça arrive. Les champignons à qui l’on a demandé la permission « sentent » une résistance chez le voyageur et la respecte. Le voyageur qui ne décolle pas dans le dispositif sacré que je mets en place a quelque chose a déterrer d’abord. C’est assez sécurisant au final, que ce décollage n’ait pas lieu. Je suis bluffée à chaque fois de la justesse de la réponse des « petits enfants ». Leur esprit invitent ton esprit à fusionner avec le leur et s’il y a une peur ou une résistance, le processus s’arrête. Il n’y aura pas de « bad trip », ou de voyage difficile, hormis les attentes, parfois très grandes, que le champignon résolve magiquement ce que la personne avait mis sous le tapis !
Eh non ! La médecine va toujours là où il y en a besoin. Et ce qui est requis, au moment où la personne sent que ça n’agit pas comme elle l’aurait espéré, c’est de lever soi même le voile, de faire ce pas là.
Ça me fait penser aussi à Jacques Mabit qui avait évoqué les fois où « ça ne s’ouvrait pas » pour le voyageur avec l’ayahuasca. Il constate après coup qu’il y avait un non-dit, une culpabilité, un mensonge caché chez le voyageur. Une fois que la personne l’extirpe, la fois d’après ça s’ouvre enfin.
Ça fait un peu « sérum de vérité » et c’est rassurant. Les champignons pourraient tout aussi bien t’emmener dans un monde d’hallucinations et d’illusions, et répondre ainsi à l’opacité de la personne. Mais ils préfèrent s’abstenir.
Car de cette déception va émerger un secret.
Je suis là pour faciliter cette émergence, je dirai même que c’est ma spécialité. C’est peut-être même la chose la plus ancienne que je sais faire. J’ignore d’où vient cette aptitude, peut-être des fouilles inlassables de mon enfance dans mon grenier à la recherche de secrets de famille, et de leur révélation ensuite dans la sphère familiale.
J’ai musclé d’une certaine façon cette aimantation aux choses cachées. Si bien que là où je vais, souvent des choses remontent à la surface.
Jodorowsky dans le « théâtre de guérison » parle des personnes « paniques » dont la seule présence provoque des fissures dans la réalité prévisible et ordonnée. Je pense en faire partie.
Être honnête avec soi même, faire cette vidange d’abord, et ne pas compter uniquement sur les champignons pour faire le boulot (à sa place) est vraiment un pré-requis pour bien voyager.
Et ce n’est même pas une question de traumatisme. J’ai vu de grands traumatisés voyager et d’autres pas.
Les champignons ne vont pas te respecter à ta place. Ils te respectent pour que tu te respectes, et une fois que tu te respectes un minimum, tu es prêt à voyager.
Mais ce pas là, personne ne peut le faire à part soi.